Delphine Cheminée : transmettre le cinéma |
ILS ÉCRIVENT... - Non-voyante, elle est venue nous parler de sa passion pour le 7e art et de son métier d’audio-descriptrice de films. Une réalité dont nous n’avions pas idée et que nous avons décidé de vous faire partager.
J’aime le cinéma ! Non-voyante et passionnée de cinéma, Delphine Cheminée participe à la relecture d’audio descriptions de films de cinéma. Deux hommes l’inspirent : le romancier et homme d’État André Malraux, et Jean-Luc Godard, le célèbre cinéaste de la Nouvelle Vague. Le premier a créé en 1959 le ministère de la Culture, qu’il définit comme un lieu qui a pour vocation de « favoriser l’accès, sinon de tous, du moins de chacun, aux chefs d’œuvres ».
Si Jean-Luc Godard touche Delphine Cheminée, c’est en raison d’une scène de son film Pierrot le Fou, qu’elle a vu dans son adolescence et qui l’a marquée à jamais. Samuel Fuller y dit que : « Le cinéma c’est l’amour, la haine, la tristesse, l’action, la violence et la mort : en un mot, l’émotion ». C’est cette émotion qu’elle souhaite transmettre : le cinéma, ce ne sont pas seulement des images, c’est aussi une bande-son. L’audio-description restitue en partie les images qui font défaut aux non-voyants.
Petite histoire de l’audio-description
En 1975, Grégory Fraser entendait régulièrement l'épouse de son meilleur ami non-voyant lui décrire ce qu'il ne voyait pas à la télévision. Il élabore une technique permettant la description de l’image grâce à l’utilisation d’une voix intervenant entre les répliques d’un film ou d’une pièce de théâtre. Dans un premier temps, son travail ne suscite que peu d’intérêt de la part de ses collègues. Sa rencontre avec le nouveau doyen de l’Université d’État de San Francisco, August Coppola (un passionné de cinéma… qui n’est autre que le frère du réalisateur Francis Ford Coppola) va changer le cours des choses. Grâce à son appui, le projet se perfectionne et aboutit à l’audio-description d’un premier film en 1988 : Tucker de Francis Ford Coppola.
Un an plus tard, August Coppola organise une formation pour des étudiants du monde entier, qui rapportent le savoir-faire dans leur pays. En 1990, le procédé est appliqué au théâtre : la première représentation théâtrale audio décrite est le Songe d’une nuit d’été de William Shakespeare. Le premier long-métrage français équipé du système sort dans les salles en 1995. Il faut se munir d’un boîtier et d’écouteurs pour entendre la bande audio décrite en même temps que le film. Mais peu de salles sont alors équipées. Les progrès se font petit à petit : en 2000, Arte diffuse un film en audio description ; en 2001, Le fabuleux destin d’Amélie Poulain est le premier dvd audio-décrit. À partir de 2005, le ministère de la Culture met en place une politique d’accessibilité des salles de cinéma et de spectacle aux non-voyants. Enfin en 2003 et 2006 sont crées les deux premiers grands festivals d’audio description : Retour d’Images et le Festival de Brest. Le délicat choix des mots
Delphine Cheminée insiste sur l’importance du vocabulaire : faire une audio-description, c’est soupeser chaque mot et suggérer plutôt que tout décrire. Le texte doit être précis et percutant, sans être omniprésent : seul l’essentiel du film doit être donné, la piste audio permettant généralement d’en apprendre beaucoup. Nous avons pu le constater par une application pratique : nous avons écouté la bande-son du début d’un film sans les images (Au revoir les enfants de Louis Malle), puis nous avons vu les images avec le son et avons été invités à rédiger une audio-description de cette séquence. Nous avons pu mesurer que c’est un véritable travail sur les mots et sur le rythme de la bande-son qu’il faut effectuer.
Allez voir un film audio-décrit
Aujourd’hui, le procédé de l’audio-description est disponible dans de nombreuses salles de cinéma. Grâce à des personnes comme Delphine Cheminée, qui vérifie l’audio-description des films avant leur projection en salles, le cinéma est accessible au plus grand nombre car comme le dit Jean-Luc Godard, « Avec le cinéma, on parle de tout, on arrive à tout ».
Un article de Léopold P., Audrey N. et Mina S.
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